HISTOIRE(s)DE SE DESSINER UN SOURIRE
«Or, la poésie que je ressens, je la dois aux morts qui me cognent les tempes»
Antoine Bréa à propos de Charles-Ferdinand Ramuz
Beach noise, c’est d’abord l’histoire d’une fille qui fait le deuil de sa mère. Biensur il est question de chiffons et de danse car c’est les moyens d’expression de la fille. Biensur il est question de vêtements qui parlent car c’était le moyen d’expression de la mère. Et puis voilà ça donne à voir une grande mer de vêtements de 72 m2 comme un tombeau fantastique.
La mer-tombeau, la mer mélasse, la mer-alcool, la mer engloutie, la mer à boire
La mer de tissu bleue recouvre l’intérieur de l’appartement de la mère et de la fille, comme englouti par un tas de vêtements. Télé et fauteuil y sont indissociables.
Beach noise c’est l’histoire de la fille qui raconte que chaque matin la mère doit se dessiner un sourire. Que c’est un objectif vital, et à peu près le seul de sa journée. Qu'à chaque fois, qu’elle cherche sa trousse de maquillage, c’est une vraie expédition, et quand enfin elle est prête pour poser son mascara au bout des cils, recommence les tourments, les voix et les images qui se bousculent dans le palais de sa tête. Et qu’ après le maquillage, il faut s’habiller bien sûr. Deuxième montagne à surmonter.
« De quel amour vais-je m’habiller aujourd’hui ma chérie ? »
Amours, elle en a eu plusieurs dont l’absent, le père de sa fille, et les seconds, les pères de sa fille.
Beach noise, c’est l’histoire de la mère qui va se payer une drôle d’introspection. Ou de la fille. C’est l’histoire de la fille qui cherche à reconstituer les morceaux, en amassant chaque vêtements comme chaque facettes d’un portrait en creux. C’est l’histoire des revenants qui dansent sous la mer de vêtements comme dans ma mémoire.
Jeune compagnie émergente Beach noise est la première création de la Cie Le Solarium. A travers ses créations la compagnie confronte physiquement le design textile à d'autres disciplines : la danse, le texte, la manipulation d'objets. Pour chaque création est pensé une structure textile spécifique : ici il s'agit d'une mer de tissu bleue de 72 m2 composées de 9 vêtements , 9 dérives, 9 danses, éclatés sur scène pour reconstituer les dernières heures d'un personnage : "My funny blond-haired mother"
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Portrait d'une mère sous influence
"Elle courait.
Allongée le long de son fauteuil, la Marlboro étincelante attirée machinalement par le nuages de paroles insignifiantes et sensuelles du petit écran.
Elle courait, à la vitesse du ski de fond, lentement mais sûre d’y arriver, ne quittant jamais le fil rouge qui creuserait la neige de sang.
Vous n’aimez pas la mer ? Vous n’aimez pas la montagne ?
Et bien alors allez vous faire foutre !
Les chutes rythmant sa danse calme et planante, aux percussions de cuisine (le passage de la cuisine au salon devenait une musique tambourinante quotidienne) annonçait presque 11 h du matin.(...)"faye formisano
"—Ils sont encore revenus ce matin. Ça faisait longtemps. Ils commençaient à me manquer.
Ce n' sont que des apparitions. Rien d’autre. De temps en temps, ils reviennent me surprendre.
Je les aime pas, et pourtant, avec les années, une forme de tendresse s’est développée. Ils sont là, planqués, planqués derrière toutes mes pensées, comme de vieux escrocs à l’affût, ils ont leur mot sur tout.
Ils ne sont jamais d’accord, ils font du bruit, vachement de bruit.
Alors je pousse un cri intérieur, un cri très long, et c’est le silence.
J’ai appris à vivre avec eux, à pointer leurs faiblesses, à les dominer. Mais ils sont infatiguables, increvables.
Mes dernières armes, sont l’indifférence et le mépris.
Ils habitent le palais de ma tête, cet espace infini où chacun a sa chambre, son couloir, son lit.
Ils sont enfermés, cloisonnés, prisonniers, retenus.(rapide, scandé)
Mes retenus, je les évite quand je voyage pour chercher au fond du palais une tête qui me plaît, une tête qui me revient.
Ce sont des parasites, je ne choisis pas qui entre, je ne choisis pas qui sort, mais une fois entré personne ne ressort plus, et c’est bien là le problème.
Maintenant, ils font partie des fondations, emmurés dans le plâtre des murs de mon palais.
Ce sont mes revenants. »